Lorsqu’un salarié est envoyé à l’étranger, il est fondamental pour lui et pour son employeur d’opter pour le meilleur régime juridique régissant son contrat de travail. Expatriation et détachement sont les deux options qui s’offrent aux candidats à la mobilité internationale. Quelles sont les incidences de ce choix sur un plan social et en cas de contentieux ?
Un dirigeant doit étudier avec attention les différentes options qui s’offrent à lui lorsqu’il souhaite conclure un contrat de travail international avec l’un de ses salariés. Sans un suivi juridique personnalisé et adapté à la situation, il risque d’être confronté à des surprises désagréables telles que le paiement de fortes indemnités s’il a omis de respecter certaines formalités obligatoires. Or dans le cadre de la mobilité internationale, si le salarié souhaite conserver l’ensemble de ses acquis sociaux et bénéficier d’un niveau de vie compensant l’éloignement avec la France, l’employeur, quant à lui, entend assumer le moins de charges possibles.
L’étude préalable des deux modèles juridiques applicables (expatriation ou détachement) s’avère un préalable indispensable à l’envoi de tout salarié à l’étranger. Contrairement à l’idée bien répandue, le salarié qui part travailler à l’étranger n’a pas nécessairement le statut d’expatrié, il peut également être en détachement.
Détachement : un statut contraignant mais protecteur
Conditions d’obtention du statut de détaché
L’octroi du statut de salarié détaché obéit à un certain nombre de règles :
La loi du 10 juillet 2014 « visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale » est venue renforcer les mesures de sanction en cas de fraude liée au détachement de salariés sur le territoire français par des entreprises étrangères. Chefs d’entreprise, attention à bien veiller au respect des conditions propres au détachement afin de ne pas être poursuivi pour travail illégal.
Etendue de la protection sociale du salarié
Du point de vue de l’employé, le statut de salarié détaché est privilégié. En effet, il ne souffrira d’aucune perte de ses droits sociaux et sa situation vis-à-vis du régime social français restera la même. Par ailleurs, il n’aura à se soucier d’aucune formalité administrative, car c’est son employeur qui devra s’en charger
Durée du maintien de la sécurité sociale
Durée envisageable du maintien de la sécurité sociale
Implications en termes de charges sociales
Dans l’hypothèse d’un détachement, l’employeur doit effectuer les démarches pour que le salarié reste affilié au régime français, et devra acquitter les charges salariales et patronales dues sur l’ensemble des rémunérations.
Il est important de noter que lorsqu’il n’y a pas d’accord multilatéral ou bilatéral entre la France et le pays d’accueil, ou si le salarié poursuit sa mission après le terme de la durée prévue par la convention, les cotisations seront dues également au régime de sécurité sociale du pays d’accueil. Le montant des cotisations peut donc s’avérer relativement élevé pour l’employeur.
Enfin, concernant la CSG et la CRDS, seuls les salariés détachés ayant conservé leur domicile fiscal en France et bénéficiant du régime de Sécurité sociale français, seront assujettis.
Expatriation : un statut souple mais potentiellement moins protecteur
Conditions d’obtention du statut d’expatrié
Tous les salariés travaillant dans une entreprise française peuvent être concernés par l’expatriation, pour le compte de leur employeur. Le salarié peut avoir été embauché à cette seule fin via un contrat de travail français, ou bien partir à l’étranger pour une durée indéterminée, via un contrat de travail français ou de droit local.
Étendue de la protection sociale de l’expatrié
Les expatriés dépendent obligatoirement de la couverture sociale du pays d’accueil. Cependant, ils ont la possibilité de s’affilier volontairement à la sécurité sociale française et d’être ainsi assurés contre certains risques. Cette affiliation n’est pas automatique ni obligatoire, c’est au salarié expatrié d’en faire la démarche auprès notamment de la Caisse des Français de l’Etranger (CFE).
A lui de déterminer s’il souhaite relever de la protection sociale française, et le cas échéant, contre quels risques il souhaite être assuré. Il devra procéder à un calcul coût-avantages pour l’ensemble des risques auxquels il est soumis, et devra mesurer si le système du pays d’accueil suffit à le garantir de façon satisfaisante de telle sorte qu’il n’ait pas besoin d’une affiliation à la sécurité sociale française.
Le cas particulier des cotisations retraite
La retraite des français expatriés varie selon les pays où le salarié a été en mission. En effet, les périodes de travail effectuées à l’étranger sont soumises à de nombreuses et variées conditions pour être prises en compte.
Les salariés expatriés au sein d’un Etat de l’Union européenne (UE) pourront bénéficier, sous certaines conditions, d’une prise en compte de ces périodes de travail effectuées hors de la France, pour le calcul de leur retraite. Chaque régime verse la part de retraite qui lui incombe, et seul le pays de résidence du titulaire versera les retraites calculées.
Les salariés expatriés dans un Etat hors UE mais ayant signé une convention bilatérale avec la France, devront s’en référer à cette convention. En effet, la prise en compte des périodes effectuées dans l’un de ces Etats pour le calcul de la retraite, pourra s’effectuer sous certaines conditions.
Les salariés expatriés dans un Etat hors UE et non signataire d’une convention bilatérale avec la France, auront tout intérêt à cotiser auprès de la CFE (en plus des cotisations au régime de sécurité sociale local), pour que les périodes de travail effectuées à l’étranger puissent être prises en compte dans le calcul de leur retraite. Si tel n’est pas le cas, ces périodes ne seront pas retenues.
Implications en termes de charges sociales
Depuis la loi de finances rectificative pour 2012, les expatriés étaient assujettis aux prélèvements sociaux(notamment CSG, CRDS…) en France sur leurs revenus du patrimoine. Par un arrêt du 26 février 2015, la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) a condamné la France pour de telles pratiques. En effet, selon la CJUE la CSG et la CRDS constituent des cotisations sociales et non de simples impôts. Dès lors que le salarié expatrié ne relève plus de la législation sociale française, la conception de la France était donc contraire au règlement de 1971 interdisant qu’un contribuable soit soumis à deux régimes de sécurité sociale relevant de deux Etats différents.
Le choix du statut, détaché ou expatrié, n’est donc pas sans conséquence tant pour l’employeur que pour le salarié. Il n’est que trop recommandé de faire appel à un avocat en droit du travail international afin d’obtenir les conseils les plus adaptés aux nécessités des deux parties.
25/12/2017 - Avocats PICOVSCHI